A 23 ans, Kalash Criminel est un artiste comblé. Ce vendredi 23 novembre, il sort son premier album,“La Fosse aux Lions”, et s’offre un coup de projecteur digne des meilleures campagnes de publicité: une polémique présidentielle. Car l’Elysée aurait fait retirer un titre du disque, intitulé Cougar Gang, dans lequel le rappeur affirme n’être “bon qu’à niquer des mères comme Macron”. L’entourage du Président a donc décroché son téléphone pour demander à Universal de supprimer le morceau de l’album, ce que le label s’est empressé de faire (sans l’autorisation du rappeur).
Comme Kalash, ils sont nombreux dans le rap à “niquer”. Nous nous sommes demandés quelles étaient les personnes niquées par ces MCs. Sur une base de 12 956 morceaux, interprétés par 313 rappeurs francophones de 1990 à 2018, 1664 titres incluent l’expression “niquer” (déclinaisons conjuguées incluses), soit 12,8% de notre base de données. Le rappeur L.I.M arrive en tête du classement puisqu’il utilise au moins une fois l’expression “nique” dans 45% de ses morceaux.
Et devinez ce que niquent nos esthètes? Des mères, des mères, et encore des mères, à l’image de Kalash Criminel: 682 fois selon nos calculs ce qui représente un quart des “choses niquées”! Fait étonnant, le groupe NTM (Nique Ta Mère) n’est pas celui qui nique le plus des mères. Pour harmoniser notre base de données, nous avons réuni dans le groupe lexical “mère” des synonymes en argot comme “reum”, “reu-mè”.
Vient ensuite le mot ““tout” (185 occurrences). Dans les années 90, le crew marseillais Fonky Family se faisait déjà surnommer Section Nique Tout. Il arrive en deuxième position du classement des “top niqueurs”, juste derrière L.I.M, dont le poulain, Mister You, se classe à la troisième marche de notre podium des top “niqueurs”.
La police (109 fois) arrive en troisième position de notre podium, suivie par la race (85 fois), les grands-mères (31), les putes (29), l’Etat (27), les pères (23) et la France (20 fois).
La famille est une source d’inspiration pour de nombreux rappeurs. Outre les mères qui occupent la première position du classement, les musiciens « niquent » les grand-mères (31 occurrences), les pères (24) et les sœurs (8). D’autres proches comme tantes (7), grand-pères (2), cousines (2) et oncles (1) ne sont pas épargnés non plus.
Le hip-hop se distingue par une forte défiance envers les institutions. Les relations entre le rap français et les forces de l’ordre sont traditionnellement négatives ce qui s’exprime dans les paroles de rap. Dans notre base de données la police est “niquée” 109 fois. La justice et son vaste champ lexical (juge, procureur, code pénal, loi) occupent la deuxième place du classement des institutions “niquées” (55 occurrences). Ensuite on retrouve l'État et les mots du même champ lexical (fisc, gouvernement), mentionnés 40 fois. Parmi d’autres institutions, la France (20), la fac (11), le maire (8), la CSA (4), la politique (8), les médias (3), les patrons (3), la CAF (2), le Pôle Emploi (2) et l’UE (2).
Hors-catégorie, nous avons également sélectionné les expressions les plus inventives des MCs locaux. Mention spéciale à Rohff, pour son très créatif et néanmoins raciste “nique les harkis mangeurs de pâtes aux lardons”. Nous félicitons également le groupe 1995 qui s’en prend lui aux “michtos assumées parfumées au liquide vaisselle”. Seth Gueko, lui, combine rejet des institutions et imagination puisqu’il “nique la France avec un sac Leclerc”
Texte et enquête data : Léa Mormin Chauvac, Pierre Hamdi, Adrien Quintard et Anahit Miridzhanian
Encadrement : Nicolas Enault